Salariés : avez-vous droit à une rupture conventionnelle ?
Toi qui rêves la nuit de ta rupture conventionnelle |
La rupture conventionnelle est le plus grand succès du droit du travail de ces dernières années, le "précieux" de tout salarié mécontent qui se respect ! On la réclame à corps et à cris, on jalouse le voisin qui l’a négociée, on méprise le méchant patron qui la refuse.
Méchant patron !! |
Pourtant, tout n’est pas si simple dans le monde béni de la rupture conv’ : oui elle ouvre droit à Pôle Emploi (ce qui n’est pas le cas d’une démission), mais NON, elle n’est pas un “dû” au salarié.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle coûte de l’argent à l’entreprise ! La signature d’une rupture conventionnelle s’accompagne obligatoirement du versement d’une indemnité au salarié, et son montant est fixé par le code du travail : plus le salarié a de l’ancienneté, plus le montant de l’indemnité est élevé.
==> Même s’il est sympa, votre employeur n’a donc aucun intérêt à vous accorder une rupture conventionnelle si la relation de travail se passe bien, et que vous êtes le seul à vouloir partir ! Pourquoi vous ferait-il cadeau d’une indemnité de rupture, alors même que cette rupture est votre décision ?
La rupture conventionnelle a été spécifiquement créé pour répondre à une situation : quand l’employeur et le salarié souhaitent mettre un terme à la relation de travail, et ne pas passer par une procédure de licenciement, lourde, et coûteuse. Elle est réservée aux CDI (donc CDD, apprentis, intérimaires, oubliez).
“nan mais moi je m’en fiche, en vrai je veux bien renoncer à l’indemnité de rupture, tout ce que je veux, c’est Pôle Emploi !”.
Idée de génie ?! |
Malheureusement, vous n’avez pas légalement le droit de renoncer à l’indemnité ; et si vous le faites, par exemple en la remboursant à votre patron après son versement, c’est un risque important pour l’employeur. Si vous décidez de lui faire un procès ensuite, c’est lui qui sera en tort, et ça pourra lui coûter cher ! Donc oui, ça s'est vu, mais c’est très rare.
Bon mais alors dis-moi ami juriste, comment je fais moi, pour financer mon tour du monde via Pôle Emploi ? Je vais quand même pas démissionner ?!
La la la la la |
Négocier sa rupture : quels arguments ?
Alors, si sincèrement vous voulez partir pour faire un break quelques mois devant Netflix, ça va être compliqué... |
==> Le premier objectif, c’est de déclencher une conversation sur votre souhait de quitter l’entreprise. Ça peut devenir l’occasion d’évoquer vos difficultés. Il existe d’autres solutions qu’une rupture conventionnelle quand on est mal à son poste, que l'on souhaite se reconvertir etc... Une discussion franche sur vos problèmes peut aboutir à des changement positifs (allègement du temps de travail, mutation, départ en formation…) Ça se tente !
==> Le second c’est que ça permet aussi de “tâter le terrain” et de connaître la position de l'entreprise sur le principe d'une rupture conventionnelle (pour de vrai, pas parce que Gilbert de l'Atelier vous a dit que la boîte en faisait jamais parce que ce sont des salauds de capitalistes).
Et pour les formes ?
Pour les formes, voilà mon conseil : allez-y franco, et en personne.
Oui, il existe une procédure pour la rupture conventionnelle : délais, entretien obligatoire etc... mais c'est d'abord de l'humain qui va se jouer ! Commencer par un mail, ou pire, une lettre recommandée, sans avoir évoqué la question oralement avec votre responsable, c'est une mauvaise idée, car ça peut engendrer de la (mauvaise) surprise, et on peut vous répondre un mail ou une lettre de deux lignes : "non".
En + vous allez peut-être squeezer la bonne personne dans la hiérarchie : "euh non Monsieur Dupont, je savais pas que Martine de la compta se sentait mal dans le service et voulait partir"... Jamais une bonne idée de mettre votre chef de service dans cette posture !
Mon conseil (issu de la pratique) : prenez votre courage à deux mains, et demandez un rdv pour en parlez à la bonne personne, celle en mesure de :
- 1, prendre la décision (si vous êtes dans une petite boîte),
- ou 2, faire passer le message à la personne décisionnaire.
ET ENSUITE ?
Les relations de travail qui se passent bien, les employeurs généreux, les départs négociés, ça arrive !
Il n’y a pas de règles : vous seule connaissez l’ambiance de la boîte, et la nature de vos relations avec votre employeur. Une confiance développée sur plusieurs années, de l’estime mutuelle, ou simplement la perspicacité de l’employeur qui accepte vos arguments, ou se rend compte que vous n’êtes plus à votre place dans le poste et que ça vous nuit autant à chacun : tout cela peut permettre un accord sur une rupture conventionnelle.
L'employeur accepte
==> Dans ce cas, la procédure suit son cours : entretien officiel, signature des papiers, délai d'attente, rupture du contrat, solde de tout compte.
La date de rupture de votre contrat sera à négocier, tout comme un éventuel préavis. Il faut compter un minimum de 5 semaines entre la signature de la rupture, et la fin de votre contrat de travail. Pratique : pendant les entretiens de négociation, vous pourrez être assisté gratuitement par un conseiller du salarié .
On peut vous demander aussi de signer une transaction où vous renoncez à toute action judiciaire à l’avenir, portant sur la relation de travail. Vous êtes pressé de partir et de tourner la page ? Acceptez !
Quand l’employeur refuse
Beaucoup d’entreprises et de responsables RH ont désormais la consigne de refuser toute rupture conventionnelle : “ça ne se pratique pas chez nous”.
Malgré tout, votre demande est peut-être bien fondée ! Il va falloir revenir à la charge, un peu différemment : on reprend vos motifs de base, mais on saupoudre d'un peu de droit du travail...
Je m'explique :
Le droit du travail français est HYPER favorable au salarié ; il est donc très facile pour une entreprise de se tromper et de ne pas remplir l’ensemble de ses obligations, même en toute bonne foi.
==> La rédaction du contrat de travail, le respect de la grille des salaires, l’organisation du temps de travail, le suivi des heures sup...Il existe mille façons de faire des erreurs surtout dans les petites boîtes sans professionnel RH.
Si vous pensez avoir des raisons légitimes de bénéficier d'une rupture conventionnelle, et que votre employeur fait la sourde oreille, la seule solution qui reste pour le motiver, c’est de lui démontrer qu’elle lui serait plus profitable qu’un procès au prud’hommes, et que vous avez des billes pour justifier une action en justice.
Mais...Je suis pas juriste moi ! Comment je fais pour trouver tous ces éléments ?
Parlez-en à un pro !
Quelques heures avec un avocat spécialisé vous coûteront moins cher qu’une démission, et vous repartirez avec un magnifique courrier listant toutes les règles de droit du travail que votre employeur viole, pour lui expliquer combien un procès lui coûterait.
Vous pouvez aussi faire appel à votre assurance de protection juridique (certaines sont compétentes en droit du travail), ou à un syndicat professionnel, pour vous faire conseiller dans la rédaction d’un courrier qui devrait accélérer la négociation de votre rupture.
Enfin vous pouvez aussi faire appel à un conseiller du salarié, ou aux représentants du personnel de l’enterprise pour vous aider.
Rappelez-vous toutefois : il est possible qu’il n’y ait rien, que votre employeur soit blanc comme neige, et que vous n’ayez pas matière à négocier. Il ne faudra pas ronchonner si c’est le cas, mais envisager une autre solution, comme un licenciement pour abandon de poste par exemple...
Conclusion
Vous l’aurez compris : la rupture conventionnelle n’est pas un dû pour le salarié, tout le monde n’y a pas “droit” ; elle coûte de l’argent à l'entreprise, et la démission reste la réponse pour le salarié qui souhaite quitter son poste pour des raisons personnelles.
Par contre, si la rupture est dans l’intérêt des deux (l’entreprise et vous), et que vous parvenez à le faire comprendre à votre employeur (en vous aidant d’un pro s’il le faut), alors la rupture conventionnelle est la solution idéale pour aboutir à une solution rapide et avantageuse.
Enfin, gardez en tête que ce n’est pas l’unique solution pour quitter une entreprise en gardant des droits Pôle Emploi. Si votre situation professionnelle impacte votre santé au point que vous ne pouvez plus envisager de rester à votre poste, vous pourriez aussi être déclaré inapte. Dans ce cas, votre employeur devra vous proposer des solutions de reclassement, et si cela n’aboutit pas, sera obligé de vous licencier. Mais c’est une procédure longue, et qui ne peut fonctionner que si vous présentez une pathologie physique ou psychique en lien avec le poste, constatée par le médecin du travail. Pas une sinécure donc.
Pour plus d'infos sur le cadre légal de la rupture conventionnelle, je vous recommande la fiche du site service-public.fr, qui contient toutes les informations de base, et à jour : Ici !
Ciao !
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