L'abandon de poste : une bonne alternative à la démission ?
That is ze question |
La rupture conventionnelle n'est pas facile à obtenir, pour des raisons financières principalement. Toutefois, certains employeurs acceptent de négocier avec un salarié qui souhaite quitter l'entreprise : ok pour le licencier, au titre de l'"abandon de poste", qui lui permettra une indemnisation Pôle Emploi. Décryptage du processus.
Ne pas confondre abandon de poste et démission
Lorsqu'un salarié cesse de se présenter à son travail, l'employeur peut considérer que celui-ci a voulu démissionner. Toutefois, si le salarié n'a pas indiqué précisément qu'il s'agissait d'une démission, (au minimum à l'oral, ou par écrit), il doit être considéré absent, et son contrat de travail ne peut pas être rompu, sauf par licenciement.
Pour rappel, sauf exceptions, la démission ne vous permettra pas de toucher PE.
Un licenciement (peu importe le motif), si.
Procédure
Deux situations :
- l'employeur et le salarié décident d'un commun accord de procéder à un licenciement pour abandon de poste.
- le salarié décide de ne plus venir travailler, espérant se faire licencier.
==> Si la décision est le fruit d'un accord avec votre employeur, vous allez suivre la procédure prévue ensemble : ne plus vous présenter à votre poste, ne pas répondre aux mises en demeure de justifier votre absence/reprendre votre travail, et enfin être licencié.
💬Timing : l'employeur dispose d'un délai légal de 2 mois maximum à partir de votre "comportement fautif" pour démarrer la procédure de licenciement.
A quelle date démarrer ce décompte des 2 mois : dès le premier jour d'absence ? Lors du refus de répondre à une demande de justification ? Il faudra vous mettre d'accord.
Comme vous ne serez pas payé pendant toute la durée de votre absence injustifiée, l'important sera de fixer ensemble un calendrier préalable qui précisera au minimum la date d'envoi de la convocation à entretien préalable au licenciement ;
☝Attention : pour valider son licenciement, l'employeur pourra préférer attendre un délai raisonnable d'absence, pour que la faute soit assez grave pour justifier la rupture du contrat. En effet, un licenciement pour faute doit être justifié parce que la faute désorganise la bonne marche de l'entreprise. Une absence injustifiée d'une semaine est insuffisante pour légitimer une telle procédure. Vous verrez ensemble au bout de combien de semaines d'absence injustifiée le licenciement peut raisonnablement avoir lieu.
LE COUP DE BLUFF : l'abandon de poste non négocié
Pour vous faire licencier, vous avez décidé de ne plus vous présenter au travail, sans justifier votre absence...
Que va-t-il se passer ?
Pas forcément grand-chose... C'est bien là le problème :-)
En principe, la procédure légale voudrait que votre employeur vous demande de justifier votre absence.
Toutefois, dans pleins de boîtes, les canaux de communication ne vont pas aussi vites, l'organisation fait qu'une semaine d'absence ne change pas grand-chose etc... Tout est question de contexte.
Quoi qu'il en soit, il peut s'écouler un certain temps avant que l'on s'inquiète de votre disparition.
Je m'explique :
Si en théorie le droit du travail voudrait que votre absence soit suivie d'effets : tentatives de vous contacter, puis sanction disciplinaire dans les 2 mois maximum (et donc licenciement pour faute), certains employeurs vont refuser tout net de se prêter à ce jeu, et vous laisser mariner dans votre jus pendant un bon bout de temps.
👎Que ce soit parce qu'ils n'ont pas envie de faire une fleur, ou qu'ils ne connaissent pas la réglementation, peu importe : dans le faits, sans licenciement, vous ne percevrez pas de rémunération, ne pourrez pas vous inscrire à Pôle Emploi, et en théorie, n'aurez pas le droit de signer un autre contrat de travail... Pas vraiment ce que vous cherchiez ! 😢😢
A savoir : si vous n'avez pas démissionné, tant que l'employeur ne vous a pas licencié, vous faîtes toujours parti des effectifs. Si vous revenez 4 mois (ou 4 ans) plus tard la bouche en coeur pour reprendre votre poste, il doit vous être rendu. Dans les faits, ça ne se produira pas, mais vous seriez alors en mesure d'attaquer votre employeur aux prud'hommes pour licenciement abusif.
CONCLUSION
L'abandon de poste pour toucher Pôle Emploi : oui, mais concerté avec l'employeur.
Si vous vous lancez dans la procédure en espérant un licenciement et des indemnités de chômage, ça peut fonctionner , mais aucune garantie que cela se fera dans un délai raisonnable, donc soyez prêt à prendre le risque !
Pour dire que cela m'est arrivé, j'ajouterais que je trouve bien dommage que les entreprises utilisent l'abandon de poste comme dispositif palliatif à la rupture conventionnelle, la faisant de plus passer pour une rupture inconventionnelle :)
RépondreSupprimerMettre en place une politique de refus systématique pour toute rupture conventionnelle demandée est une politique de plus en plus répandue dans le secteur privé. L'abandon de poste
Il y a autant de situations particulières et de dispositifs et certaines entreprises mettent inversement un point d'honneur à garder des politiques RH où le H a encore son sens, ce qui pour un terme qui s'apparente déjà presque à la novlangue.
J'ajouterais que l'abandon de poste s'il est négocié avec l'employeur est mal perçu par la loi :
un abandon de poste arrangé en concertation avec l'employeur pour que cela passe en licenciement disciplinaire, n'est ni plus ni moins qu'assimilable à une fraude dont l'un des objectifs est de pouvoir prétendre au chômage indemnisé.
Et le règlement de l'assurance chômage rappelle à ce sujet ce qu'il en coûte selon l'article 5429-1 du Code du travail, et selon l'article 441-6 du Code pénal.
Mais c'est de plus en plus une pratique courante...
Vers une prochaine reforme du code du travail à ce sujet ? Pas certain que cela augure quelque chose de bon pour le salarié, d'autant vu la conjoncture, notamment dans certaines conventions collectives (restauration...) déjà amoindrie par la crise #Covid.