Que faire si votre période d'essai est rompue pour cause de crise sanitaire ?
Confinement, déconfinement, reconfinement….La période est dure pour les entreprises, qui ont peu de visibilité économique. Toutefois les recrutements continuent, que ce soit en intérim, CDD et CDI : pour remplacer un salarié, accompagner un développement, voire même pour soutenir les hausses de commande liées au confinement. C’est le cas par exemple de nombreux sites internet de vente et livraison de produits alimentaires, dont les commandes ont explosé en raison de la crise sanitaire.
Toutefois, certains secteurs se retrouvent sans activité du jour au lendemain, d’autres doivent ré-ouvrir en urgence etc…. Dans ce contexte, beaucoup de personnes embauchées voient leur emploi menacé pendant la période d'essai par la fermeture de l’entreprise ou le fort ralentissement de son activité.
En cas de difficultés économiques liées au Covid, est-il légal de rompre la période d’essai des salariés nouvellement embauchés ?
En général en France, dès que l’on signe un contrat de travail, on est soumis à une période d’essai, dont la durée est indiquée au contrat.
==> Attention : la période d’essai n’est jamais obligatoire. Elle est juste courante dans les faits.
L’OBJECTIF DE LA PERIODE D’ESSAI : évaluer “la valeur professionnelle” du salarié
"La période d’essai vise exclusivement à permettre à l’employeur d’apprécier les capacités professionnelles du salarié (article L. 1221-20 du code du travail)".
Salarié et employeur peuvent rompre la période d’essai à tout moment, en respectant seulement un délai de prévenance prévu par le code du travail. Ils peuvent le faire librement, sans avoir à justifier des raisons qui les y conduisent, ni formaliser leur décision par un écrit. Mais attention, en droit du travail français la période d’essai ne peut avoir qu’un seul objectif : évaluer les compétences du salarié pour le poste.
Ainsi, lorsqu’un employeur rompt la période d’essai, c’est parce qu’il estime que la personne ne remplit par les critères attendus pour le poste, ou éventuellement parce que la relation de travail ne fonctionne pas humainement.
A contrario, une rupture de période d'essai par l’employeur pour un motif non inhérent au salarié, notamment le contexte économique, est théoriquement illégale. La période d’essai ne peut pas non plus être utilisée pour remplacer un salarié absent, ou compenser une hausse d’activité ponctuelle etc….
Les difficultés économiques liées au Covid : un motif de licenciement
En théorie, dans le cas de difficultés économiques, l’employeur doit passer par une procédure de licenciement économique, même pour un salarié en période d’essai. En effet ce ne sont pas les compétences du salarié qui sont en cause, mais la santé de l'entreprise.
Dans les faits c’est très rarement le cas, pour plusieurs raisons : d’abord le manque de connaissances juridiques des employeurs, mais surtout la simplicité et la flexibilité d'une rupture de période d'essai : pas de procédure à suivre, pas de justification à donner, pas d'indemnité etc....
Est-ce que cela désavantage le salarié concerné ? Très concrètement, une procédure de licenciement économique plutôt que la rupture de période d’essai a principalement des avantages financiers (une procédure plus longue, donc une rémunération plus importante, et éventuellement une indemnité de licenciement), ainsi que l’ouverture de droits spécifiques, par exemple le bénéfice d’une priorité de réembauchage, au cas où l’entreprise devrait de nouveau recruter à l’avenir.
==> En théorie donc, la crise sanitaire, un reconfinement, ou des difficultés économiques ne sont pas des motifs valables pour rompre une période d’essai. Toutefois cela remet-il en cause la validité de la rupture ? Pas vraiment, d'autant que l'entreprise n'a pas à justifier sa décision.
Comment contester la rupture de ma période d'essai ?
Vous pensez ou savez, que cette rupture est en réalité liée au contexte, et pas à vos qualités professionnelles, et vous souhaitez contester sa décision ?
D'abord, sachez que contester cette rupture ne vous permettra pas de récupérer le job que vous aviez ; la seule chose que vous pouvez gagner devant un juge, c'est une indemnisation pour le dommage subi. Il faudra quand même passer à autre-chose.
Combien puis-je gagner ?
Comment faire ?
Eh bien en premier lieu....Demandez directement à votre employeur ! Certains s'étonnent quand je leur recommande cela, mais les chefs d'entreprise, particulièrement dans les structures de petites tailles, ont conscience des difficultés des salariés, et peuvent parfois faire un geste s'ils considèrent qu'il est justifié. C'est le cas quand un employeur accepte une rupture conventionnelle alors qu'elle n'est pas dans son intérêt, ou quand il accorde un congé sans solde etc...
==> Expliquez votre situation, plaidez votre cas, et demandez directement un dédommagement si la rupture de votre période d'essai est brutale ou inattendue.
D’abord de manière informelle si c’est possible, lors d’une conversation, ou d’un échange de mail. Avant de monter sur vos grands chevaux et menacer d'entamer une action en justice, vous pouvez expliquer pourquoi vous demandez une indemnisation complémentaire, que ce soit parce que vous avez engagé des frais pour le poste en question, en déménageant, ou alors que vous avez refusé un autre emploi etc...
En cas de refus :
Vous avez demandé gentiment et on vous a dit non ? Dans ce cas, si vous souhaitez vraiment faire valoir vos droits, il va falloir vous armer de patience et de volonté, car contester une rupture de période d’essai est long, comme toutes les procédures prud’homales, qui peuvent prendre plusieurs années à être traitées.
LES ETAPES A SUIVRE
I : faire une une demande officielle
Même si vous avez déjà demandé réparation, ou contesté votre rupture de contrat oralement ou de façon informelle, il va falloir refaire une demande officielle, en envoyant une lettre recommandée avec accusé de réception à votre employeur. Dans ce courrier, il faudra indiquer pourquoi vous contestez la rupture de période d’essai, rappeler qu’il est illégal de rompre une période d’essai pour un motif autre que l’évaluation des compétences du salarié, et conclure en faisant une demande précise d’indemnisation, ainsi qu’en donnant un délai précis de réponse à l’entreprise (au moins 2 semaines). Vous ajoutez qu’en absence de réponse de sa part dans le délai indiqué, vous saisirez le conseil de prud’homme.
==> Pourquoi une LRAR ? Parce qu’il vous faut garder une preuve de votre démarche, et une preuve que la lettre a bien été remise à l’entreprise.
Réponse positive : votre employeur vous propose de vous verser une indemnisation, et cela vous convient. La suite relève de la négociation personnelle avec lui.
Réponse négative, ou absence de réponse : se tourner vers un juge.
II - Saisir le conseil des prud'hommes
Si vous souhaitez poursuivre la démarche, il va vous falloir emmener l’affaire devant les juges spécialisés en la matière, donc saisir le conseil de prud’homme. A partir de là, il est théoriquement possible de faire toutes les démarches seul, mais en l’absence de compétences juridiques, il est préférable de vous faire aider.
Plusieurs interlocuteurs envisageables :
• Vous êtes titulaire d’une assurance protection juridique ? Appelez-les et expliquez votre situation pour savoir ce qu’ils peuvent faire pour vous, notamment s’ils prennent en charge certaines démarches, les frais d’avocat etc…
• Vous êtes membre d’un syndicat (CFDT, CGT, FO…) : certains syndicats assurent un conseil juridique à leurs membres, et vous représentent pendant toute la procédure, contactez-les.
• Faites appel à un avocat spécialisé en droit du travail : il vous recevra d’abord pour un premier entretien pour évaluer ensemble votre dossier et envisagez la suite. Pour trouver un avocat, rendez-vous sur le site internet de l’ordre des avocats de votre département.
Et ensuite ?
Vous serez d’abord convoqué pour une conciliation avec votre employeur : dans le bureau du juge, vous essaierez de vous mettre d’accord pour résoudre l’affaire sans avoir à passer en jugement.
A tout moment également, votre employeur pourra vous proposer de résoudre l’affaire “à l’amiable”, c’est à dire sans aller jusqu’au procès, pour s’épargner frais d’avocats, complexité d’une procédure, et mauvaise presse.
Enfin, le dossier non résolu pourra être jugé au tribunal par le conseil des prud’hommes, qui rendra une décision. Cette décision pourra ensuite être contestée en appel, puis de nouveau devant la Cour de cassation. Je ne vous souhaite pas d’aller jusque-là, ou alors il vous faudra être vraiment motivé, puisque l’affaire pourra mettre entre 5 et 10 ans à aboutir !
Ce que vous pouvez gagner ? Des dommages et intérêts pour rupture abusive de période d'essai, soit 1 mois de salaire maximum, avec les indemnités de congés et la prise en charge des frais de procédure.
Bonne chance !





Commentaires
Enregistrer un commentaire