Volvic, un volcan s'éteint, un être s'éveille

ou "Greenwashing : de qui se fout-on ??"

 Bienvenue dans l'ère du «greenwashing»: les nouvelles astuces pour ...

Le “greenwashing” est une pratique marketing qui consiste (et ceci est une définition personnelle) à se foutre de la gueule du monde, en prétendant avoir une démarche respectueuse de l'environnement, alors qu'en réalité, le cœur même de l'activité commerciale en question est destructrice et nocive pour la Planète.

Afin d'illustration, prenons un exemple à portée de main : 1,5 L de Volvic, eau minérale en bouteille plastique de DANONE.*


Approchons-nous de la bouteille pour l'observer :

💚🍏🐍🐸 La première chose qui frappe, est la prédominance de la couleur verte : bouchon vert, étiquette verte, volcan tout vert, bien en évidence, avec l'illustration d'un oiseau de proie planant au-dessus, à l'arrière un champs de fleurs, tout vert, et parsemé de jolies fleurs roses, et du même volcan cette fois jaune pâle et rose bonbon. Et tout le long, une police d'écriture sympathique, fun, et … verte (vous l'aurez compris).(sur leur site internet, même le pop-up vous demandant d'accepter les cookies est vert...).

Si on avait encore quelques doutes sur l'amour de VOLVIC pour la couleur verte, la page d'accueil du site nous rassure...

La présence du volcan, du joli champs de fleurs, des oiseaux, symboles de liberté, et de grands espaces : tout concourt à l'image d'une eau pure et venant des grandes plaines reculées et sauvages, qui roule entre les jolis petits champs de fleurs, pour venir ensuite gentiment couler le long de notre gorge, nous transmettant ses minéraux et sédiments accumulés pendant des millénaires, et nous reconnectant ainsi à notre nature profonde et sauvage.**

Le reste de l'illustration de l'étiquette me trouble... : on y aperçoit la silhouette en noire d'une nana, a priori jeune (la vingtaine ?), assise en tailleur dans une posture de méditation. Elle est dans le dit champs de fleurs, qu'elle semble d'ailleurs complètement dominer, et les silhouettes d'oiseaux de proie qui se détachent du ciel jaune et rose dans le lointain font à peu près la même taille que sa tête...Une curieuse perspective.

C'est ensuite qu'on atteint le summum du... ridicule : les slogans.

“Se disperser, se recentrer”.

Un hashtag : #CROISENTOI..

Une question, qui flotte dans les airs : “prêt à te recentrer ?”, et la réponse, apparemment apportée par la bouteille d'eau en plastique Volvic : #CROISENTOI, et le meilleur, #REVEILLETONVOLCAN.

==> On est donc parti d'un volcan millénaire dont on ne mentionne même plus l'origine, “un volcan s'éteint, un être s'éveille”, à une espèce de paysage onirique et fantasmé, peuplé de rapaces et de meufs en collants de yoga, qui se recentrent en buvant l'eau de Volvic, et “réveillent leur volcan”.

Prise d'une inspiration soudaine, j'ai moi-aussi, vraiment super envie de réveiller mon volcan...

A quel point cette étiquette est-elle “le Mal” ?

==> D'abord, depuis combien de temps est-on passé à un marketing normatif : où la marque et son produit dictent au consommateur (qui est quand même un être-humain, je le rappelle) ce qui serait bon pour lui, ce qu'il doit faire, en surfant sur la popularité de pratiques telles que le yoga, ou la pleine-conscience ?

Et on va vraiment plus loin, puisque la marque utilise le champ lexical du développement personnel et de l'engagement politique et social pour vendre (et nous émouvoir au passage, ou nous culpabiliser, ou nous faire comprendre qu'elle nous soutient, qu'elle est notre amie).

En réponse à une question récurrente : oui, ceci est une capture d'écran du site Volvic.fr. NON, ce n'est pas un fake !!
Je n'ai rien à ajouter ... J'avoue ne pas vraiment réussir à comprendre l'objectif d'une telle communication : convaincre la meuf jeune et bonne qui fait du yoga et aime l'environnement, pour qu'elle boive de l'eau de Volvic en étant attirée par son origine naturelle et ses vertues volcaniques, ses sédiments organiques venus du plus profond de la terre, pour nourrir le plus profond de son être à elle ? En me relisant je me dis qu'en fin de compte oui, en fait, il me semble que j'ai tout compris !

Ce qui me gêne dans cette communication ????

D'abord, probablement, que j'en soie la cible parfaite! BOUHHHHHHH je ne suis qu'un archétype marketing !!!! Bon, cette prise de conscience était faite, passons à ce qui me gêne encore plus...

Ce qui me gêne VRAIMENT donc, c'est le fucking foutage de gueule de DANONE, et le fait qu'une fucking bouteille d'eau me conseille sur comment je dois vivre ma vie. Non pas ce que je dois boire non, mais ce que je dois faire de ma vie. Ce qui est bon pour moi en tant qu'être-humain. Ce à quoi je dois occuper mon temps, et mon esprit ! Mais on est où là ? Et c'est alors que je me rends compte : en réalité, on est en permanence entouré d'impératifs normatifs venant de marques.

Lush
Très récemment, je ronchonnais contre la marque LUSH, qui avait placardé ses vitrines dans le centre-ville de Nantes avec des incitations à voter aux élections européennes...WHAT? Alors là, quand une marque se mêle aussi ouvertement de ce que décident les gens dans leur vie privée, je suis estomaquée. Et d'y aller en mode incitatif/culpabilisatif/punitif : “si tu ne votes pas, qui le fera” ?? 


Les campagnes publicitaires de ce type sont désormais légion, et peut-être même n'y avais-je pas prêté attention auparavant, mais ce mélange du commercial et du normatif me gêne très très très profondément. 
  • L'école n'essaye plus de t'inculquer des valeurs, tes parents non plus...Non mais LUSH est là, pour te dire que #votercestbien.
  • Et Volvic est là pour te dire que #faireduyogaetdelaméditationetserecnetrercestbien. Et de te rappeler de “penser au tri”...
Euh mais en fait, si tu faisais pas des bouteilles en plastique pourries, on aurait pas besoin de trier. Donc tu vas pas venir me saouler en me transférant la responsabilité de ton impact écologique désastreux, si ? Si. Et au passage, de s'ériger en juge de ta vie, en censeur (ne pas voter, c'est mal ! Mais nous on vend du savon qui pue, et c'est bien !).

L'impact écologique du réveillage de notre vie intérieure à base d'eau de Volvic.

Pour terminer sur une note joyeuse (ah ah, nan j'déconne), un petit rappel de la réalité, sur cette bouteille en plastique, et ce qu'elle contient : quand on enlève l'étiquette et ses propos débiles sur fond vert, il reste une bouteille en plastique dit PET ou Polyéthylène téréphtalate : ça a l'air super technologique et tout, et en plus c'est dit sur la bouteille que c'est recyclable !!

Ouais, enfin c'est un poil plus compliqué que ça...
Déjà les composantes du ce plastique sont issues en majeure partie de la transfo du pétrole. Miam. Et le PET est recyclable, relativement facilement, oui.

MAIS
Pour être recyclé, encore faut-il que la bouteille soit rapportée dans un centre de recyclage qui dispose de la technologie spécifique au PET. Or, là ça se complique, car la chaîne repose sur de nombreuses conditions : 
  • le consommateur doit être au fait des politiques de tri de sa commune et les appliquer en jetant sa bouteille vide dans une poubelle de tri spécifique (donc pas dans la nature, dans la poubelle avec tout le reste de ses déchets, dans la mer, sur le bord de l'autoroute etc...).
  • Le pays où la bouteille est consommée doit disposer d'une politique de tri des déchets et d'infrastructures permettant leur prise en charge et leur recyclage. Or, les bouteilles en PET sont partout, et les pays qui recyclent peu nombreux finalement, à l'échelle de la planète.
Au final, le bilan est peu favorable à l'environnement. Car même si la matière est recyclable à faible coût écologique, les bouteilles échouent bien plus souvent dans des décharges ou en plein-air, que dans des centres de recyclage et viennent donc alimenter cet immense sub-continent flottant qui se balade sur nos océans et est intégralement constitué de déchets plastiques. Moins fun d'un seul coup!

L'impact économique des océans étouffés par le plastique - Partage ...
Hey, mais on dirait bien une bouteille de Volvic en premier plan !!
 
L'éthique de la consommation d'eau minérale en bouteilles individuelles.
Cette eau est mise en bouteille par une multinationale qui fabrique en majorité des produits totalement merdiques sur le plan nutritionnel, et conditionnés dans des contenants ultra polluants (pots individuels de yaourts, bouteilles d'eau petites, grandes, mini, en bidon etc... en plastoc'), réservés à une minorité de la population mondiale qui a les ressources financières pour les consommer etc...

Pour s'arroger le droit d'utiliser des ressources naturelles, comme l'eau de source VOLVIC, il faut une appropriation bien peu éthique de ressources initialement disponibles pour tous, mais sur lesquelles une entreprise privée a acquis des droits qui les font devenir un produit de consommation, réservé à une minorité.

Franchement, cette bouteille, elle est presque jolie. Comme les minots Evian, et la jolie étiquette provençale de la Salvetat. Mais l'eau minérale conditionnée en bouteille plastique individuelle est une hérésie environnementale, ultra-polluante, et destructrice de ce même environnement qu'elle se targue de faire voyager jusqu'à nos goûlots assoiffés.


A quel moment quelqu'un s'est-il dit que boire de l'eau minérale conditionnée en format individuel était un droit *?
Moi-même j'ai du mal à réaliser l'énormité du propos et son aspect profondément négatif, tant j'ai longtemps considéré l'eau minérale comme une “ressource naturelle”, et sa présence sur la table du repas, une évidence : je n'ai pendant longtemps pas bu d'eau du robinet, dans mon inconscient eau sale, pleine de produits chimiques, et pire, eau tout juste débarrassée de nos excréments, pour revenir remplir nos verres...Une question d'éducation, puisque c'est ce que mes parents faisaient.

Mais si à l'origine l'exploitation industrielle des sources de Volvic ou d'Evian relevait d'une initiative locale, destinée à assurer l'approvisionnement de tous les habitants du coin en eau de qualité, toute l'année, et donc de limiter les maladies, l'objectif initial a été atteint depuis belle lurette, et dans nos pays développés, l'accès à l'eau potable est pratiquement garanti à tous. Boire de l'eau minérale ne se justifie donc plus du tout. 

Et pour ceux qui pestent sur le traitement chimique de l'eau du robinet, de multiples solutions de filtrage existent !

Pourtant, les bouteilles d'eau en plastique continuent de trôner sur nos tables et d'arroser nos repas,moments sportifs, réunions pro, pic-nic etc...

Que faire ?  

Pour changer certaines pratiques, il faut refonder le système entièrement et notamment remettre en cause des convictions, voire des évidences, profondément ancrées en nous. C'est donc le résultat d'un changement d'idées profond. 

 

Il faut réinterroger toutes les évidences de consommation inscrites en nous, pour en réaliser le potentiel destructeur, l'égoisme, et la complète incohérence si l'on se préoccupe deux secondes de l'état de la Planète. C'est très sincèrement un travail épuisant, tant la structure même de notre Société véhicule et réalimente sans-cesse ces idées (pour la plupart fausses) qu'elle a semées dans notre inconscient : l'eau du robinet c'est sale et de mauvaise qualité et chimique, c'est un truc de pauvre. L'eau minérale c'est joli, c'est meilleur au goût, meilleur pour la santé, et si je bois ces eaux, je suis en contact direct avec ces sources pures qui les alimentent et je me sens bien, et mes amis sont contents quand ils viennent manger chez moi, et j'ai réussi ma vie.

Enfin, dans la mesure où il semble qu'il soit très difficile d'imposer des choix responsables de consommation à l'ensemble de la Planète - qui fait bien ce qu'elle veut - il paraît plus pertinent d'agir à deux niveaux. D'abord idéalement au niveau de l'offre : comme les coton-tiges et les pailles en plastique à usage unique ont été interdites à la vente, on pourrait en faire de même pour les bouteilles en PET. Ou au moins en limiter le nombre produit, ou les formats.

Ensuite, on peut agir sur les capacités de recyclage en les augmentant et en les systématisant.

Bordel, quel taf....

 


NAMASTE

*NDLR : j'ai vérifié dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen, rien n'y est...Muhaaaaaa (fin du rire étouffé par les larmes).

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Cumuler chômage partiel et 2ème emploi salarié c'est possible

Les locaux urbains inoccupés, terreau d'innovation économique et sociale